55

 

Loren transpirait abondamment et sa robe du soir lui collait à la peau. La petite cellule sans hublot où on l’avait enfermée ressemblait à un sauna ; elle avait de plus en plus de mal à respirer. Elle ne disposait que d’une étroite couchette et de toilettes rudimentaires tandis qu’une ampoule nue protégée par un grillage diffusait une lumière pâle. La jeune femme était persuadée qu’on avait délibérément coupé le ventilateur pour ajouter à son inconfort.

Lorsqu’elle avait été conduite à la prison du paquebot, elle n’avait vu aucune trace de l’homme qu’elle croyait être Alan Moran. On ne lui avait rien donné à boire ou à manger depuis qu’elle était prisonnière et elle commençait à avoir des crampes d’estomac. Personne n’était venu et elle se demandait si le commandant Pokovski n’avait pas l’intention de la laisser tout simplement mourir de faim et de soif.

Elle se décida enfin à se débarrasser de sa robe imprégnée de sueur, puis elle se livra à quelques exercices d’assouplissement pour passer le temps.

Soudain, elle entendit des bruits de pas dans le couloir ainsi que des voix assourdies. La serrure joua et la porte s’ouvrit brusquement.

Loren saisit sa robe pour s’en couvrir et se recula dans le coin le plus éloigné.

Un homme s’encadra sur le seuil. Il était vêtu d’un costume bon marché et démodé.

« Mrs. Smith, j’espère que vous voudrez bien me pardonner d’avoir été contraint de vous traiter ainsi.

— Certainement pas, répliqua-t-elle sur un ton de défi. Qui êtes-vous ?

— Je m’appelle Paul Souvorov et je représente le gouvernement soviétique. »

Une expression méprisante apparut sur le visage de Loren tandis qu’elle lançait :

« Est-ce donc un exemple de la façon dont les communistes traitent les élus du peuple américain ?

— Certes non, mais vous ne nous avez pas laissé le choix.

— Si vous daigniez m’expliquer ? demanda-t-elle en le fixant droit dans les yeux.

— Je crois que vous savez parfaitement à quoi je fais allusion, dit-il avec une certaine gêne.

— Rafraîchissez-moi la mémoire. »

Le Russe alluma une cigarette avant de répondre : « L’autre  nuit, quand l’hélicoptère est arrivé,  le second du Leonid Andreïev vous a vue en train d’observer la scène.

- Il y avait aussi d’autres passagers, fit la jeune femme d’une voix glaciale.

— Oui, mais ils étaient trop loin pour reconnaître un visage familier.

— Et moi pas ?

— Allons, soyez raisonnable. Vous ne pouvez pas nier avoir reconnu deux de vos collègues.

— Je ne comprends pas de quoi vous voulez parler.

— Le président de la Chambre Alan Moran et le sénateur Marcus Larimer », fit-il lentement, guettant sa réaction.

Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent et elle ne put réprimer un frisson en dépit de cette atmosphère d’étuve. Pour la première fois depuis qu’elle était enfermée, elle se sentit gagnée par le désespoir.

« Moran et Larimer sont tous les deux ici ?

— Oui, acquiesça Souvorov. Dans la cellule voisine.

— C’est une plaisanterie de mauvais goût.

— Il ne s’agit pas d’une plaisanterie, affirma le Russe avec un sourire. Ils sont les hôtes du K.G.B., tout comme vous. »

Loren, incrédule, secoua la tête. Ces choses-là ne pouvaient arriver que dans les cauchemars. La réalité lui échappait.

« Je bénéficie de l’immunité diplomatique, balbutia-t-elle. J’exige d’être libérée sur-le-champ !

— Vous n’êtes pas en position d’exiger quoi que ce soit à bord du Leonid Andreïev, répliqua Souvorov d’un ton sec et définitif.

— Lorsque mon gouvernement apprendra…

— Votre gouvernement n’apprendra rien, la coupa-t-il. Quand le paquebot quittera la Jamaïque pour rejoindre Miami, le commandant Pokovski annoncera avec un profond regret la disparition de Loren Smith, membre du Congrès, vraisemblablement passée pardessus bord et noyée. »

La jeune femme fut saisie d’un sentiment d’impuissance totale.

« Qu’allez-vous faire de Moran et de Larimer ?

— Je les emmène en Russie.

— Mais vous allez me tuer, fit-elle comme si elle venait juste de réaliser.

— Ces deux hommes sont des personnages importants de la vie politique de votre pays. Leurs connaissances nous seront très précieuses quand ils auront été persuadés de collaborer avec nous. Quant à vous, je suis désolé, mais vous n’en valez pas le risque. »

Loren faillit répliquer qu’en tant que membre de la Commission des forces armées, elle possédait autant de secrets qu’eux, mais elle perçut le piège à temps et demeura silencieuse.

Les yeux du Russe s’étrécirent. Il tendit brusquement le bras et arracha la robe qui couvrait la jeune femme.

« Très intéressant, fit-il en l’examinant. Si nous devions négocier, je pourrais peut-être trouver quelque bonne raison pour vous demander de m’accompagner à Moscou.

— Le plus vieux truc du monde, cracha Loren, méprisante. Vous n’êtes même pas original. »

II fit un pas en avant et la gifla violemment. Elle vacilla sous le choc, heurta la cloison et tomba à genoux, le dévisageant d’un regard brûlant de haine.

Il l’empoigna par les cheveux et lui repoussa la tête en arrière. Toute trace de politesse avait disparu.

« Je me suis toujours demandé comment c’était de baiser une Américaine. »

Loren réagit instantanément. Elle lui agrippa l’entrejambe et serra de toutes ses forces.

Souvorov poussa un cri de douleur et la frappa sous la pommette gauche. Loren s’effondra pendant que le Russe, tel un animal en cage, arpentait la minuscule cellule pour calmer ses souffrances. Il finit par saisir brutalement la jeune femme pour la projeter sur la couchette.

Il se pencha au-dessus d’elle et commença à lui déchirer son soutien-gorge et sa petite culotte.

« Sale pute, siffla-t-il. Je vais te faire regretter ça. »

Des larmes de rage et d’impuissance roulèrent sur les joues de Loren tandis qu’à travers le voile qui lui brouillait la vue elle distinguait le Russe qui, lentement, ôtait sa ceinture et l’enroulait autour de sa main, laissant la boucle pendre librement. Elle voulut se raidir et parer le coup, mais elle était trop faible.

Soudain, un troisième bras sembla comme pousser à Souvorov se glissant au-dessus de son épaule droite et venant lui enserrer le cou. La ceinture tomba au sol.

L’expression du Russe refléta d’abord l’incrédulité, puis une stupéfaction mêlée d’horreur et enfin les affres de l’agonie tandis que sa pomme d’Adam, inexorablement broyée, lui écrasait la gorge. Il tenta en vain de se débattre. Il comprit en un éclair qu’il allait mourir, il avait les poumons en feu et ses bras battaient frénétiquement l’air.

Loren voulut enfouir son visage dans ses mains pour échapper à ce spectacle effroyable, mais son corps lui refusait tout mouvement. Comme hypnotisée, elle ne put que regarder avec une fascination morbide la vie s’échapper de Souvorov. Après quelques ultimes convulsions, ses yeux jaillirent de leurs orbites et son corps devint flasque. Il resta encore quelques secondes debout, soutenu par ce bras fantomatique qui, enfin, le lâcha. Il s’effondra alors comme une poupée de chiffon.

Une silhouette se découpa à la place de celle de l’agent du K.G.B., s’encadrant à son tour sur le seuil et Loren se trouva à contempler un visage amical aux yeux verts, éclairé d’un sourire un peu hésitant.

« Alors, dès que j’ai le dos tourné, on fait des bêtises », lui murmura Pitt.

 

Panique à la Maison-Blanche
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